mercredi 25 mars 2009
Se faire couver avant de s'envoler
Par Corinne Dillenseger, le mercredi 25 mars 2009 à 20:18
Catégorie : Elles créent
18 commentaires
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Connaissez-vous le principe des couveuses d'entreprises ? Ce sont des structures qui permettent à des demandeurs d'emploi ou des Rmistes de tester leur activité avant de la créer, tout en bénéficiant d'un accompagnement sur-mesure gratuit.
Le hasard de la blogosphère m'a fait rencontrer une bénéficiaire d'une des 50 couveuses françaises. Il s'agit de Stéphanie Will qui a intégré le Geai à Paris en août 2008. Cette dynamique trentenaire, maman d'une fille de 2 ans, y teste le métier de Personal assistant, comprenez assistante business personnelle. Je me suis dit qu'elle était la personne idéale pour vous en parler.
- Pourquoi as-tu décidé de te faire couver ?
J’ai choisi d’intégrer la couveuse, au lieu de m’immatriculer immédiatement, car j’ai vite compris qu’il fallait près d’un an pour connaître un vrai démarrage. C’est-à -dire : vendre ses premières prestations, réussir à se faire payer au meilleur prix, dans des délais corrects, et construire un plan cohérent à 12 mois (la visibilité minimum qu’un entrepreneur doit avoir) : trésorerie, prospection, communication…
Le plus difficile, quand on démarre une activité indépendante, c’est que beaucoup de temps s’écoule avant que l’on ne fasse rentrer ses premiers gains. Alors qu’avant cela, on a déjà commencé à sortir de l’argent pour "exister". Donc, petit à petit, il faut rattraper les premiers investissements, s’équilibrer, et peut-être dégager un petit supplément (très aléatoire la 1ère année…). Alors si, en plus, on actionne le compteur "charges", on peut très vite être au bord de l’asphyxie.
En couveuse, on ne paye presque pas de charges : juste 8,40 euros par mois, d’Urssaf ! Les frais de gestion représente 5% de ton CA (à noter qu'une société de portage prélève entre 8 et 12%). Si tu ne gagnes rien, la couveuse ne prélève jamais rien. On conserve sa sécurité sociale. L’assurance Responsabilité Professionnelle est comprise. On n’a pas de compte pro à la banque.
- Quelles sont les conditions d'entrée ?
Il faut être prêt à 95% à travailler pour entrer en couveuse. C’est-à -dire qu’on n’est plus en phase d’accompagnement, on est opérationnel. Cela veut dire que l’on connaît son offre, son marché, sa cible clients, qu’on peut expliquer et argumenter son concept, qu’on a un fichier prospects… voire même un premier client ! Il faut être capable de produire et commenter son étude de marché, son business plan (prévisionnel, besoin en fonds de roulement…).
On a le droit, en revanche, d’avoir des faiblesses en compta ou en marketing, de ne pas être sûr qu’on se débrouillera dans une organisation solitaire, de s’interroger sur la vraie cible qui achètera son offre, et à quel prix – l’hypothèse haute ou l’hypothèse basse ?... etc.
Pour intégrer la couveuse, on présente son dossier devant un jury (pour ma part, il s’agissait d’un consultant senior, et d’un banquier), préparé avec un chargé de mission, qui restera son référent si l’on est accepté.
- Quels autres profils côtoies-tu dans ce genre de structures ? (quelques exemples de femmes si possible
Il y a beaucoup d’artistes et d’artisans, notamment dans le commerce équitable, car le Geai "cultive cette spécialité". Mais j’y rencontre beaucoup de professions libérales, coaches, consultants… et des services qui se rapprochent du mien, conseillers en image, communicants dans l’événementiel, l’incentive… Toutes sortes de solos. Beaucoup de femmes, également, qui parient sur de nouvelles ambitions professionnelles, tout en étant mères, ou qui se reconvertissent vers un métier de passion.
Par exemple, Laurence Gallet, conseil en image, qui décolle vraiment depuis son passage en couveuse, Bénédicte Chassignet, ergonome, qui travaille bien aussi, ou encore Laëtitia Vivier, qui commercialise des supports plexi pour faire du scrap (gros succès, elle travaille déjà à l’international).
- Quels avantages en retires-tu ? Et les inconvénients ou les limites (s'il y en a...) ?
Comme je l’ai dit, en premier lieu : un avantage financier. Mais cela va bien au-delà : on teste son activité, donc on nous donne 12 mois pour rectifier le tir si l’on comprend qu’on a fait une erreur quelque part. On a un entretien mensuel avec son référent, qui étudie avec nous notre stratégie, on a accès à des formations gratuites, on est préparé à nos premiers rendez-vous prospects, et accompagné lors de nos premières ventes (formalisation etc.)… Les avantages sont nombreux, mais les contraintes sont aussi réelles.
On ne peut quasiment pas bouger le petit doigt sans dire ce que l’on fait à son référent, on ne peut pas contractualiser avec un client, sans signer à trois, par exemple. De plus, la couveuse gère intégralement le CA, que l’on ne peut pas sortir : on est remboursé, sur présentation des justificatifs, de ses frais de fonctionnement. Cela sous-entend que l’on ne dégage pas de salaire en couveuse, même si l’on travaille bien et que l’on pourrait s’en attribuer un : l’argent attend sagement notre sortie… et le solde sera imposé à 45%, environ, avant de nous être remis (juste retour des choses). Donc, il vaut mieux avoir une autre source de revenus durant cette année – assedics, petit boulot, soutien familial… et se préparer à une compta un peu contraignante (on doit avancer le paiement de tous ses frais, et certains investissements peuvent être élevés, de même qu’on est contraints sur la nature des investissements possibles…).
- Combien de temps vas-tu rester "couvée" ?
Je viens de signer mon 3ème et dernier CAPE (contrat d’appui au projet d’entreprise), donc le 1er août 09, c’est fini !
- Et après, prendras-tu ton envol ? Redoutes-tu un peu ce moment ? Quel sera alors ton nouveau statut ?
"Prendre mon envol" : OUI, mille fois oui ! Je vais m’immatriculer – je n’ai pas encore tranché entre Entreprise Individuelle (= profession libérale) et EURL (Société). Justement, la couveuse va m’aider à décider, dans le cadre d’une formation "juridique et fiscal".
Il est vrai que je me sens très préparée, et qu’en plus j’ai déjà fait mes premières erreurs de débutante mais quand même, je ressens une petite appréhension à passer totalement "sans filet". En tout cas, je ne souhaite pas enchaîner avec une autre forme de suivi, avec un regard extérieur sur mon parcours, et mes décisions. Il est temps de me lancer… seule !
- Pourquoi ne pas opter pour le statut d'auto-entrepreneur ? Est-ce que tu ne regrettes pas que ce statut soit né après ta décision d'entrer dans une couveuse ? Bref, si t'avais su...
Je ne suis pas très favorable au statut d'auto-entrepreneur. Il est hybride et mal fichu - en tous les cas pour moi, qui ne rentre pas dans les cases - notamment du point de vue du CA !
Je n'étais déjà pas concernée par la micro-entreprise, et l'AE est une sorte de radicalisation de la ME.
Cependant, c'est très bien pour démarrer avec des charges à zéro, et c'est bien l'avantage que je mets en avant en couveuse. Cependant, en couveuse, tu as un interlocuteur, des outils à disposition, et des formations complémentaires. Tu n'es pas seul. Il y a quelqu'un qui te ramène sur terre, si je puis dire. Et je crains que l'AE balance dans le fossé une floppée de gens, sans feedbacks, et sans préparation, quant à ce qu'ils veulent faire.
Donc non, aucun regret puisque l'AE n'est pas une solution pour moi !
Si éventuellement vous avez d'autres questions, Stéphanie vous répondra directement sur ce blog.
(Encore merci à toi Stéphanie !)