Le flic est une femme
Dans la blogosphère, on la connaît sous le nom de « Le flic ». Dans la vie, elle s’appelle Bénédicte, lieutenant de police, actuellement en disponibilité. Cette quadra est entrée dans la police en 1985. Avant ? Des études de biologie et physiologie, mais avec le souhait de s’orienter vers les sciences humaines. « J’avais envie d’être utile et d’avoir un rôle social actif, m'a-t-elle confié. D’être au contact de la rue pour son meilleur et pour son pire. Additionné à une aversion pour la routine, et un penchant pour le travail d’équipe et la rationalité (théorique) de la loi pénale, il n’y avait que le métier de flic. De la sociologie et de l’humanité à l’état brut. »
Bénédicte blogue depuis plus d’un an. Elle y raconte des petits bouts de vie, récoltés au détour de son expérience professionnelle. Et c’est magnifique, même quand c’est noir et désespéré ! Le talent de cette femme flic n’a pas échappé à un éditeur qui lui a proposé d’écrire un livre : « Flic, chroniques de la police ordinaire » dans les librairies depuis le 8 mars ! Courez-y !
Dès que j'ai connu la nouvelle, je me suis empressée de la contacter pour l’interviewer. J'ai bien fait, car aujourd'hui, elle est tellement sollicitée par les médias qu'elle n'a plus une minute à elle.
Pourquoi as-tu décidé d’ouvrir un blog ? Qu’est-ce que tu aimes dans ce support ?
Au départ c’était une façon de fixer ce que j’écrivais avec une mise en page correcte. Une page web pour mon confort personnel en quelque sorte. Je n’ai pas cherché de visibilité particulière, je ne permettais pas les commentaires et ne consultais jamais les stats du blog. Je n’étais référencée nulle part et ne visitais pas beaucoup la « blogosphère ». En fait je tombais sur des blogs par hasard, au même titre que des sites, avec des recherches par mots-clé. Le blog est adapté pour les échanges. Dans mon cas, c’est réellement un simple support et pas une pratique.
Combien de chroniques as-tu écrites en tout depuis le début de ton blog ?
Une quarantaine environ, mais bien plus qui ne sont pas sur le blog.
Quelle est celle que tu préfères ?
Aucune en particulier. Ces chroniques n’ont pas le même goût pour moi que pour celui qui les lit. Ce sont des souvenirs plus ou moins apprivoisés qui voyagent avec moi depuis longtemps.
Celle qui a été le plus dure émotionnellement pour toi d’écrire ?
Je ne saurais pas le dire. Toute l’écriture a une charge émotive. En écrivant, j’ai refait un parcours, j’ai retrouvé des gens, revisité des lieux, j’ai disséqué ma mémoire. Et un bon souvenir peut m’ébranler davantage qu’une sale affaire. Néanmoins, dans le récit, j’ai mis mon ressenti de coté pour laisser toute la place à ceux que j’ai croisés dans ces histoires, et à ceux qui allaient les lire.
T’es-tu parfois retenue d’en écrire certaines ? Pourquoi ?
Oui, dès qu’une identification sans ambiguïté aurait été possible. C’est pour cela aussi que je ne cite aucun nom, aucune date, aucun lieu précis.
Ta hiérarchie, tes collègues étaient-ils au courant pour ton blog ?
Ma hiérarchie, (officiellement) non. Mais le bouche-à -oreille a fonctionné entre flics, et beaucoup d’entre eux sont venus sur le blog et se sont manifestés. J’ai même pu reprendre contact avec des collègues que j’avais perdu de vue.
Pourquoi as-tu voulu garder l’anonymat ?
L’anonymat est propre à la pratique du web. Etre « le flic » me paraissait approprié à la teneur des textes. Un flic ordinaire sans genre particulier.
Comment réagissent tes collègues depuis la sortie de ton livre ?
Les réactions de mes collègues sont très positives. Ils se reconnaissent dans ces histoires similaires aux leurs. Ils apprécient que ces textes contribuent à nous présenter sous un profil moins trafiqué que ce que montrent les fictions ou les reportages d’actualité.
Et ta famille ? Tes amis ?
Ma famille c’est mitigé. Mon frère a su m’aider à sortir des dossiers cachés dans le disque dur de ma mémoire ! Il a suivi mon blog de près, et me comprend à mi-mots.
Mon père est fier de moi, mais découvre le métier que j’ai fait pendant des années et qui n’avait jamais suscité de question de sa part.
Le reste de la famille s’en fout royalement comme ils se foutaient du boulot que je faisais et qu’ils attribuaient à une excentricité de ma part. Quand ils ont appris que le blog devenait un livre, ils n’ont pas jugé utile de me faire signe. Mes amis sont contents pour moi.
Quant à mon fils, il a tout lu, je ne lui oppose aucun tabou aux réalités de la vie, il sait qu’il n’y a pas de définitivement gentils comme il n’y a pas de méchants innés, qu’il n’y a pas d’ethnies délinquantes comme il n’y a pas de sociétés exemplaires, et je lui dédie ce livre.
Comment vis-tu toute cette aventure littéraire ? (Bénédicte a aussi gagné le premier prix du Festival de Romans)
Je le vis sereinement avec toutefois une petite appréhension quant à la promo du livre. Il va me falloir passer les épreuves de la presse, la radio, la télé. Quant au festival de Romans, il a été entouré d’une telle ambiance, et suivi de tant de commentaires pitoyables que je préfère ne rien en dire. J’ai au moins vu de près l’atmosphère confinée de la blogosphère où la flatterie est de bon ton au sein de micro communautés qui se prennent pour des élites culturelles. Je suis contente d’avoir remporté ce prix, mais ce n’est pas le Goncourt et il n’y a pas de quoi se relever la nuit. Autant dire que je suis championne de karaté des numéros impairs de ma rue…
Quelle différence existe-t-il entre ton blog et ton livre ?
Le livre regroupe bien plus de textes. Sur le blog, j’écrivais sans m’obliger à rien. Le livre a été une autre forme de travail et d’exigence.
Y aura-t-il une suite ?
Je ne sais pas encore.
Comptes-tu continuer à bloguer ?
Continuer à écrire oui, bloguer je ne sais pas.
Merci Bénédicte pour cette interview. Et encore bravo !
Bénédicte dédicacera son livre au Salon du Livre à Paris, le 24 mars de 15h à 17h, sur le stand de Radio France, et le 25 mars de 14h à 16h sur le stand des éditions Michalon.
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