Et pourtant je me suis levée tôt
C’est le titre d’un livre que j’ai dévoré, écrite par une jeune journaliste Elsa Fayner qui s’était déjà fait remarquer par Violences, féminin pluriel. Cette fois-ci, Elsa a plongé dans le quotidien des travailleurs précaires. Comment ? En allégeant son CV pour se faire embaucher au Smic. Avec un seul objectif, se rendre compte par elle-même, si comme le prétendent certains politiques, les "tire aux flancs" rechignent à se lever tôt pour gagner plus. Pour mener son enquête, Elsa a mis le cap sur Lille. Elle est arrivée à se faire recruter comme intérimaire dans un centre d’appels, serveuse dans une cafétéria chez Ikéa et enfin, comme femme de ménage dans un grand hôtel.
Son enquête met en évidence à quel point ceux qui aimeraient travailler plus se retrouvent coincés. "Prends les temps partiels ou les intérimaires, me dit Elsa. Leur emploi du temps est éclaté, et changeant d’une semaine sur l’autre, ce qui rend difficile le cumul avec un autre travail. Ou alors les horaires sont concentrés sur quelques heures, en fonction des habitudes des clients, comme c’est le cas pour les agents de caisse, les femmes de chambre ou télévendeurs. Et que dire des intérimaires qui fonctionnent par "campagnes", pour vendre un produit. Quand l’une d’elle est terminée, le travailleur est remercié, quel que soit l’effort fourni. Donc, même en multipliant les efforts, il n’est pas possible de passer à un temps complet."
Et pourtant, Elsa a pu constater à quel point ils en rêvent de ce temps plein, un CDI payé au Smic mensuel, eux qui galèrent avec un Smic horaire parce qu’ils cumulent les contrats courts (intérim, CDD, alternance...). Mais est-ce vraiment la panacée ? "Ceux qui ont un CDI payé au Smic acceptent tout pour le conserver : des emplois du temps chargés, modifiés régulièrement et souvent individualisés, des heures supplémentaires parfois non rémunérées, de longs trajets, des conditions de travail pénibles. A l’hôtel, j’ai rencontré des employés qui travaillaient près de 10h par jour, toujours debout, courbés, poussant des chariots, portant des charges lourdes, piétinant, trottinant, courant, et finissant par travailler en mode automatique, sur des horaires atypiques (soir, samedi, dimanche, voire de nuit), ce qui leur laissait souvent peu de temps pour la vie sociale."
Dans ces conditions comment s’en sortir ? Parmi les personnes côtoyées, Elsa relève que "certaines souhaitent se reconvertir, ou acquérir plus de qualifications dans leur domaine, mais elles ne trouvent pas de formations adéquates, et surtout se demandent comment se former tout en conservant des revenus..."
Bref, une belle enquête, pleine de témoignages, parfois amusants, parfois tristes et désabusés, étoffée de chiffres sur la réalité du salariat.
Et pourtant je me suis levée tôt, une immersion dans le quotidien des travailleurs précaires (Ed. du Panama, 2007).
Encore merci Elsa pour l'interview
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